5 ans après, le grand bilan du tram de Tours

Les rames de la ligne A ont parcouru 17 fois la distance Terre-Lune.

La Place Jean Jaurès de Tours noire de monde, cela n’arrive pas si souvent. On l’a vue ainsi il y a quelques semaines après la victoire de la France en finale de la Coupe du Monde de foot, il y a eu aussi de grands rassemblements au pied de l’Hôtel de Ville après les attentats de 2015 et puis la journée du 31 août 2013 : ce samedi-là, les abords de la mairie et tout le centre-ville étaient encore plus blindés que le métro parisien un jour de grève, juste pour fêter l’entrée en service du tram A, le grand retour de ce moyen de transport sur rail disparu plusieurs décennies plus tôt à l’heure du tout voiture.

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On se souvient du grand sourire de Jean Germain en cette fin d’été : l’ancien maire de Tours aujourd’hui disparu a porté le projet depuis sa racine, et aujourd’hui peu de voix lui donnent tort, hormis pour critiquer le coût très élevé du chantier (près de 500 millions d’euros, aménagements artistiques compris). Et même si les débuts ont été difficiles, avec une longue grève des agents Fil Bleu à l’automne 2013 ou une fraude conséquente les premiers mois, Tourangelles et Tourangeaux ont vite adopté l’outil pour travailler, faire du shopping ou rentrer de soirée (à minuit, au plus tard, l’heure du dernier passage, ce qui reste moyen dans une ville étudiante).

Clairement, le tram s’est parfaitement intégré dans le quotidien et le paysage grâce à son effet miroir ou aux œuvres de Buren, au point d’être régulièrement qualifié de « plus beau tramway de France » voire d’Europe. « Des délégations de tous les continents sont venues visiter la ligne » explique-t-on chez Keolis qui gère le réseau Fil Bleu : des Brésiliens, des Coréens, des Japonais, des Australiens…

Une (petite) baisse du trafic automobile

En 60 mois, les 21 rames mises en service entre Vaucanson et Jean Monnet ont comptabilisé plus de 75 millions de voyages (au 31 juillet 2018) et elles ont parcouru 6,5 millions de kilomètres, soit 17 fois la distance Terre-Lune ou 32 500 trajets Tours-Paris. Pour quelle fréquentation ? Le tram de Tours a battu un record le 6 octobre 2017 : 72 000 voyages en 24h. En moyenne, la ligne totalise 65 000 validations quotidiennes de tickets et abonnements en semaine et en période scolaire, 16,4 millions sur une année complète soit 45 000 par jour.

L’évolution des voyages :

– 2014 : 14,7 millions
– 2015 : 15,0 millions
– 2016 : 15,8 millions
– 2017 : 16,4 millions

La ligne de tram représente 44% de la fréquentation du réseau mais 12% des kilomètres parcourus par les véhicules (bus et trams)

L’objectif principal d’un tramway, c’est d’encourager à la prise des transports en commun aux dépens de la voiture. A Tours, le contrat est-il rempli ? Oui et non… Selon le président de la métropole, le trafic a diminué sur certains axes (la Tranchée, l’Avenue de Grammont ou l’Avenue Maginot) mais les bouchons restent conséquents aux heures de pointe, signe d’un certain engorgement. De plus, contrairement à d’autres grandes villes comme Nantes, Tours laisse encore une forte place à l’automobile dans son cœur de ville. Une importance qui pourrait néanmoins diminuer à nouveau… mais seulement une fois la seconde ligne inaugurée.

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  • Ironique : dans la série « le tram chasse la voiture », il a participé à l’arrêt du Grand Prix de Tours qui se déroulait en centre-ville une fois par an avec des voitures anciennes sur un circuit improvisé autour des boulevards. L’obligation de s’arrêter régulièrement pour le passage des trams faisant partie des raisons qui ont poussé les organisateurs à migrer vers Chinon.

Et si on comparait notre tram avec d’autres villes, de taille semblable et où l’arrivée d’un tram est également récente ? Prenons Angers, qui s’apprête à inaugurer sa seconde ligne. Les rames de nos voisins du Maine-et-Loire totalisent environ 9 millions de voyages (16,3 millions à Tours en 2017), pour une ligne en service depuis 2011 mais plus courte que la nôtre (3km de moins). Au Mans, qui a deux lignes depuis 2014, on totalise près de 18 millions de voyages en tram, 42 500 montées par jour (en semaine, hors vacances) dans le tram de Reims (ouvert en 2011). A Dijon, il y a 44 000 tickets validés chaque jour sur la ligne 1 en service depuis 2012, 42 000 sur la N°2 qui roule depuis 2013.

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  • Et la vitesse ? Le site de Fil Bleu prévoit un trajet de 48 minutes entre les deux terminus à Tours Nord et Joué-lès-Tours, soit une vitesse moyenne de 18,75km/h. D’après un article du blog TransportUrbain, c’est moins que la moyenne des trams français (19,6km/h). A Tours, le tram ne dépasse jamais 50km/h, alors que dans d’autres villes comme Orléans il peut aller jusqu’à 70 sur certains tronçons.

Intéressons-nous maintenant à la fiabilité du tramway tourangeau… Vu son importante fréquentation, le moindre grain de sable dérègle vite la situation, obligeant régulièrement Fil Bleu à sortir son Plan B bus lorsque les rames sont empêchées de circuler. Il y a les aléas pour lequel le transporteur n’est pas responsable (on pense aux manifestations, les événements météo soudains) et puis il y a toutes les avaries techniques possibles et imaginables. Sur ce point, on a été servis : déraillement d’une rame Place de la Liberté fin août 2015 (sans faire de blessés), chute de la ligne électrique aérienne de contact à la Tranchée, bugs de l’alimentation par le sol en centre-ville de Tours (fréquents les premières années, plus rares aujourd’hui), tram à cheval sur deux voies il y a quelques mois à la Tranchée et même un affaissement de la plateforme contenant les rails à Trois Rivières suite à une infiltration : « pour la réparer nous avons dû recourir à une procédure inédite » précise d’ailleurs Fil Bleu. Mené en juillet dernier, le chantier a duré 3 jours, soit un peu moins que prévu et a servi de référence pour de futures opérations.

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L’autre risque avec le tramway : les accidents. Ils sont nombreux, notamment les accrochages avec des voitures Rue Nationale : « on ne pourra pas éviter les accidents, l’objectif c’est qu’il n’y ait que de la casse matérielle » souligne Philipe Ferreira, en charge de la maintenance chez Keolis. Un point noir a été identifié : le carrefour Daniel Meyer de Tours Nord. Depuis, la vitesse des trams y a été abaissée de 10km/h, pour limiter les risques.

En 5 ans, le tram n’a jamais été responsable d’un sinistre. En revanche, il y a eu plusieurs blessés graves (piétons et cyclistes, à Tours Nord ou à la gare de Tours) et un décès (cette année, au Sanitas, une personne âgée qui n’avait pas entendu la rame arriver). Pour éviter ce type de choc, la métropole organise régulièrement des campagnes de sensibilisation pour inciter à la prudence, notamment avec des écouteurs sur les oreilles ou pour que les cyclistes ne circulent pas entre les rails. Une nouvelle série d’affiches et de messages est d’ailleurs en cours de préparation.

Des améliorations encore en cours

Par ailleurs, malgré son succès commercial, des critiques persistent 5 ans après l’inauguration de la ligne A : des commerçants s’estiment perdants, des cyclistes se disent déçus des aménagements urbains, l’Avenue Maginot de Tours Nord avec sa voie commune voiture-tram est vue comme un fléau pour la circulation et des riverains dénoncent le bruit dans les virages, comme à Joué-lès-Tours. En réponse, Fil Bleu explique travailler à la mise en place d’un graissage automatique innovant des rails en complément d’un graissage manuel déjà en vigueur.

Alors quel avenir pour le tram de Tours, et plus généralement pour le tram à Tours ? L’un des débats du moment se fait autour de cette question : faut-il prolonger la ligne A jusqu’à l’aéroport ? C’est évoqué, mais pas vraiment confirmé et planifié car cela parait cher pour le nombre de voyageurs attendus, tant que l’activité de la piste ne se développe pas pour de bon (200 000 passagers annuels aujourd’hui, et peu de mouvement économique, encore moins après le départ de l’école de chasse en 2021). Ensuite, quid de la ligne B : la métropole y croit malgré le coût à nouveau très élevé du projet (350 à 400 millions d’euros pour plus de 14km entre l’entrée du périphérique à La Riche et le sud de Chambray-lès-Tours).

Le tracé définitif devrait être dévoilé en fin d’année avant le lancement des études et enquêtes publiques. Déjà des opposants se font entendre pour dénoncer l’impact d’une ligne sur les arbres, sur le foncier et sur les commerces. Vu les difficultés financières de la métropole, sa capacité à investir est également montrée du doigt. Et même le principe d’un nouveau tramway est contesté par quelques voix qui jugent plus utile des bus de grande capacité fonctionnant à l’hydrogène, vus comme plus modernes. Ce qui est sûr, c’est que l’on a le temps d’attendre avant une nouvelle inauguration, celle-ci n’étant pas prévue avant 2025. Au mieux.

Olivier Collet

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