Démocratie, environnement, tourisme : la Birmanie vue par un Tourangeau

Après un mois sur place Anthony Pintens raconte son voyage, riche en découvertes.

Il y a quelques semaines, la Birmanie faisait la Une. Dirigé par une junte militaire totalitaire, ce pays d’Asie entouré par la Thailande, le Laos, la Chine et le Bengladesh a enfin organisé des élections législatives libres le 8 novembre, 25 ans après le précédent scrutin. Même si 25% des sièges du parlement étaient d’office réservés aux militaires, la victoire de l’opposante de toujours – Aung San Suu Kyi – est incontestable : celle qui est titulaire d’un prix Nobel de la Paix est désormais majoritaire. Bien que l’actuelle constitution l’empêche de devenir présidente, elle a donc toutes les cartes en main pour faire changer ce pays en profondeur. Un Etat qui en a bien besoin après des années à la solde d’une armée qui a profté de la situation pour se faire plaisir, au point de créer une nouvelle capitale démesurée où ne vivent que les fonctionnaires d’Etat et où même les touristes n’osent pas aller tellement on s’y ennuie.

Les touristes justement. Depuis quelques années, ils peuvent de nouveau fouler le sol birman. C’est ce qu’a fait le tourangeau Anthony Pintens. Grand voyageur, il connaissait déjà la Thailande et le Cambodge mais pas la Birmanie. Avec un visa de 28 jours en poche -le maximum autorisé – il a donc débarqué à Rangoun finoctobre : « comme il n’y a pas encore beaucoup de touristes, la Birmanie est resté un pays authentique et on avait envie d’aller voir ça car ce ne sera peut-être plus le cas dans 5 ans. » Avec souvent entre 30 et 35°, Anthony était sur place lors d’une période de transition entre la saison sèche et la saison des pluies : « on nous a dit parfois qu’il faisait moins beau et chaud qu’il ne le devrait », mais pas de quoi gâcher le séjour puisqu’il a notamment pu profiter d’une semaine au bord de la mer avec une eau à 27°.

Des routes défoncées mais une population « heureuse »

Encore charmé par ce qu’il a vu, le Tourangeau parle d’un pays à visiter absolument : « il y a beaucoup de demandes de touristes pour peu d’offres donc il faut bien penser à réserver mais les Birmans sont heureux de voir des touristes, et notamment des Français à qui ils aiment dire ‘bonjour’. Etant donné que les autorités interdisent la conduite d’une voiture aux touristes, nous avons circulé en bus pour voir la campagne et la vie locale. Ils sont plutôt confortables avec des prix très bas mais les routes sont en très mauvais état. Il n’y a pas d’engins de chantier, tout se fait à la main, le goudron est préparé sur le bas-côté, avec des feux de fortune et des bidons en métal, en plein cagnard. De plus, comme les routes sont inondées pendant la saison des pluies, il faut souvent tout recommencer. La seule autoroute que l’on a vue là bas ressemble à une départementale française qui a 40 ans. »

En dépit de ce tableau qui peut paraître chaotique et singulier d’un pays en voie de développement, Anthony Pintens affirme ne pas avoir vu de grandes marques de pauvreté : « le salaire moyen est autour de 80$ par mois. En un mois, j’ai dû voir trois mendiants. Les gens semblent manger à leur faim. Dès qu’ils savent un peu faire à manger, ils se mettent sur le trottoir pour vendre. » En revanche, parmi les points noirs de la société birmane, il y a le travail des enfants : « on se demandait souvent quel âge avait tel serveur ou vendeur… L’enjeu va être d’ouvrir les écoles en dehors des monastères. Car aujourd’hui pour être éduqué en Birmanie, il faut envoyer les enfants chez les moines. L’accès à la santé est aussi à développer malgré la présence de quelques ONG. »

De grands défis à relever comme la protection de la nature

De son voyage, Anthony garde le souvenir d’un pays « où la population est heureuse et a foi en l’avenir. C’est un peuple génial, gentil, serviable. Les gens vivent et mangent dehors dans des petites gargotes, ils adorent le foot, négocient les prix avec le sourire… » Omniprésente, la culture bouddhiste a ses particularités : « ce sont des gens qui font très attention à eux, à leur hygiène, en revanche ils n’accordent pas d’importance aux biens matériels et jettent par exemple tous les papiers par terre. La protection de l’environnement va faire partie de leurs défis majeurs. Il y a des détritus partout mais j’ai aussi vu des commerçants qui le soir remballaient tout et balayaient leur place. On commence aussi à avoir des camions poubelle… Sauf qu’ils ne sont pas financés par l’Etat mais par des citoyens qui cotisent. »

Sur place pile au moment des élections, Anthony Pintens raconte également l’ambiance. Militant ici à Tours, il constate de prime abord que la façon de faire campagne est radicalement différente : « nous avons vu beaucoup de photos d’Aung Sang Suu Kyi : dans les commerces, les hôtels… Il y avait même des cortèges entiers aux couleurs de la Nouvelle Ligue Démocratique composés de picks ups transportant une vingtaine de personnes et embarquant des sonos démesurées. Ca danse, il y a des drapeaux… On aurait cru une ambiance de gay pride. Le jour du scrutin, nous avons observé de longues files d’attente devant les bureaux de vote à Mandalay où nous nous trouvions dans une ambiance sans violence. Aung San Suu Kyi ne pourra pas remettre tout le système en cause mais elle est très populaire : on la voit comme la mère du pays, qui s’est sacrifiée pour lui. »

Et maintenant ?

Cependant, elle sera évidemment attendue au tournant et mettra nécessairement du temps à effacer toutes les traces des abus de la junte : « les militaires se sont assuré un avenir en investissant dans les hôtels de luxe par exemple. » Ces lieux que les touristes vont fréquenter en nombre. Tout a été pensé pour qu’ils abondent l’économie : « au splendide et immense Lac Inle avec ses villages et cultures flottants, les touristes sont obligés de payer 20$ pour entrer sur le site. A Rangoun, capitale des embouteillages, le Nord de la ville commence à devenir branché face au Sud plus historique. On voit aussi des restaurants qui servent des burgers ou des spaghettis car la gastronomie birmane est assez minimaliste… » Bref, un pays qui s’adapte et se découvre. Une Birmanie pleine d’espoir et d’ambitions dont on est curieux de voir l’évolution avec ce nouveau régime.

Olivier COLLET / Photos : Anthony PINTENS – Laurent VERMEERSCH

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