Ce qui ne va pas au tribunal de Tours (selon les magistrats)

Les délais avant jugement s’allongent dangereusement…

Le Syndicat de la Magistrature a boycotté l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance (TGI) de Tours. Ce jeudi plusieurs de ses membres ne sont pas entrés dans la grande salle dédiée aux procès d’assises. Ils n’ont pas écouté le discours de la présidente Catherine Jean-Pierre-Cléva, ni celui du procureur Bruno Albisetti. Ils ont volontairement séché ce rendez-vous protocolaire afin de protester contre la réforme judiciaire en cours de validation par le gouvernement et le parlement.

Comme des avocats du Barreau de Tours qui se mobilisent depuis de longues semaines, des juges ou greffiers s’inquiètent du texte porté par la garde des sceaux Nicole Belloubet. Dans un tract remis aux invités du TGI, ils dénoncent « un éloignement du justiciable de son juge » avec la disparition annoncée des tribunaux d’instance ou l’extension des décisions sans audience. « Ce projet comporte certes quelques améliorations mais surtout des régressions en matière de droits de la défense et a pour but essentiel de gérer la pénurie des moyens alloués à la Justice » écrit le syndicat.

Des délais de plus en plus longs avant les jugements

Cette politique de la chaise a été très remarquée par la présidente du tribunal tourangeau Catherine Jean-Pierre-Cléva. Elle l’a symboliquement « déplorée » tout en faisant part de manière explicite de sa propre inquiétude concernant le texte en cours d’élaboration. A la retraite dans un an, la magistrate estime que « on ne peut ignorer l’inquiétude légitime des praticiens du droit sur les aspects de cette réforme. » « Le mouvement risque de se poursuivre » a-t-elle poursuivi avant d’espérer le retour « de la sérénité nécessaire » au sein du tribunal.

La cour du tribunal de Tours

La justice tourangelle affiche donc clairement ses inquiétudes. Et ça ne concerne pas seulement les décisions gouvernementales. Au quotidien, le principal problème semble être le manque de moyens humains : « en correctionnelle, nous convoquons aujourd’hui des procès en septembre 2019 » déplore le procureur Bruno Albisetti pour souligner l’étendue du problème. 165 affaires étaient en attente de jugement fin 2017… 325 fin 2018. Ces longs délais sont en partie dus aux grèves répétées des avocats qui ont entraîné plusieurs reports d’audiences en 2018 mais ce n’est qu’une petite partie de l’explication.

De nombreux postes vacants

Le directeur de greffe et l’adjoint qui sont partis n’ont toujours pas été remplacés. Le procureur Jean-Luc Beck parti à la retraite fin 2018 n’est pas encore remplacé, son adjoint Bruno Albisetti quitte la Touraine ces jours-ci et n’a pas de successeur non plus. Il manque également un juge des enfants, l’objectif de la présidente étant d’en avoir 4 pour tout le département. Un juge d’instruction est également sur le départ, sans compter « la pénurie d’experts psychiatres et de psychologues ».

Autant de facteurs qui grippent la machine et bloquent la procédure : « c’est préjudiciable à la bonne administration de la justice » s’alarme Catherine Jean-Pierre-Cléva qui regrette au passage les difficultés conjointes des policiers et des gendarmes dont le manque de moyens empêche parfois l’extraction de détenus pour des convocations judiciaires. Dont des reports de rendez-vous. Donc des dossiers en souffrance.

« Un parquet sans procureur, c’est un corps sans tête »

« Il y a la nécessité d’une gouvernance structurée » plaide la N°1 du tribunal de Tours à la tête d’une équipe de 41 magistrats et 80 fonctionnaires. « Il est essentiel de pourvoir les postes vacants si on veut une justice de qualité » complète Bruno Albisetti selon qui « un parquet sans procureur c’est un corps sans tête. » Un nom est bien avancé pour prendre la direction du parquet, mais il fait polémique. Conseiller du ministre de l’intérieur Christophe Castaner, le quadra Grégoire Dulin est pressenti pour rejoindre Tours mais le voir privilégié face à des candidats plus expérimentés fait grincer des dents, certains y voyant un signe qu’Emmanuel Macron contourne l’indépendance de la justice.

Seule satisfaction : le grand chantier de rénovation en cours au Palais de Justice, malgré ses nuisances et les difficultés d’organisation liées aux travaux. Le futur accueil unique du tribunal devrait être opérationnel en juillet 2019 avec une entrée directement sur le trottoir Place Jean Jaurès (fini les escaliers à monter). Suivront la mise en service des deux salles d’audience rénovées, l’installation du tribunal d’instance dans ses nouveaux bureaux au rez-de-chaussée de La Poste puis la prise de fonction du pôle social dans ses nouveaux locaux en 2020. « Pour l’instant, les délais sont tenus » conclue Catherine Jean-Pierre-Cléva.

Olivier Collet

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