25 questions pour la 25ème édition du festival Désir… Désirs

Le grand événement culturel de l’hiver en Indre-et-Loire débute mercredi 14 février.

Désir… Désirs est un festival emblématique : s’intéressant de près aux questions de genre, d’homosexualité ou de féminisme, il propose chaque année une programmation multi artistique exigeante et bienvenue. De retour aux Studio (et ailleurs) ces jours-ci, il entame sa 25ème édition. Pour l’occasion, entretien avec son créateur Philippe Pérol et le coordinateur actuel, Mickaël Achard…

1 Peut-on revenir sur les origines de Désir… Désirs ?
Philippe Pérol : Le festival s’est créé un an après la naissance de la première association officielle de militant(e)s homosexuel(le)s, La Maison des Homosexualités. L’idée de créer un événement culturel s’est imposée, non seulement pour montrer au grand public que les homos avaient « pignon sur rue », mais aussi comme un outil de combat. N’oublions pas que la culture est une arme.

2 En quoi était-il important de créer un tel festival il y a 25 ans ?
Philippe Pérol : Le festival est dans une époque où les discriminations liées à l’orientation sexuelle étaient encore très présentes malgré la dépénalisation de l’homosexualité 10 ans plus tôt. Il était une nécessité militante.

3 Que signifie ce titre, Désir… Désirs ?
Philippe Pérol : Le pluriel du deuxième « désirs », rappelle que le désir est multiple, polyforme. Et que les amours qui en résultent ne regardent ni les censeurs, ni les religions ou autre instance voulant imposer une norme dans les relations entre les personnes qui s’aiment.

4 Un souvenir marquant qui s’est déroulé pendant le festival ?
Philippe Pérol : Un abonné des Studio a piétiné sa carte d’abonnement la première année, en disant que si les pédés y faisaient leur cinéma, il n’y reviendrait plus. Quelques années plus tard, il y avait une Backroom dans le hall des studio, avec une caméra à l’intérieur et un moniteur pour y suivre les ébats à l’extérieur.
Mickaël Achard : Dans le livre d’or des Studio, nous avons pu lire l’année passée : « Avec Moonlight et le festival Désir… Désirs, les cinémas Studio font-ils la promotion de l’homosexualité ? »

https://www.youtube.com/watch?v=hxdQ

5 25 ans plus tard, comment le cinéma a évolué sur les questions de genre et d’homosexualité ?
Mickaël Achard : Je pense que les héros et les héroïnes homos, transgenres ou femmes, ne sont plus relatés qu’à travers leur condition de « minorité ». Les rôles étaient limités à une vision construite parfois sur des préjugés. Les réalisatrices et réalisateurs nous proposent aujourd’hui une écriture et un cinéma multiples, subtils, tantôt délicats, tantôt féroces où le héros est complexe.

6 Quels sont les réalisateurs, réalisatrices, actrices ou acteurs qui se sont distingué(e)s durant cette période ?
Mickaël Achard : nous pouvons citer le jeune prodige du cinéma dont tous les films abordent de manière explicite ou implicite la thématique du désir, Xavier Dolan. Ang Lee qui, en 1992, réalise Garçon d’honneur. En France, il y a Céline Sciamma qui a réalisé La Naissance des pieuvres, Tomboy Bande de filles. François Ozon avec Sitcom, Le Temps qui reste, Jeune et jolie, 8 femmes… Pour les acteurs, Tom Hanks dans Philadelphia, Felicity Huffman dans Transamerica, Jake Gyllenhaal dans Le Secret de Brokeback Mountain, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos dans La Vie d’Adèle

7 Un film à voir absolument ?
Philippe Pérol :Un tramway nommé Désir. Il n’y a pas d’homos dans le film. Mais c’est une représentation du désir la plus torride que j’ai jamais vue.
Mickaël Achard :Tarnation de Jonathan Caouette, un autoportrait de Jonathan Caouette, qui dès l’âge de 11 ans décide de filmer la vie chaotique qu’il mène dans une famille texane.

8 Une image que tu gardes en mémoire ?
Philippe Pérol : Le silence dans la salle, sous le coup de l’émotion face aux récits de Pierre Seel racontant les circonstances de son arrestation et les tortures en camp de concentration.
Mickaël Achard : Leila Slimani, Prix Goncourt 2016, évoquant la réalité des minorités sexuelles et la place des femmes au Maghreb, entre violence physique et symbolique.

9 L’homosexualité s’est-elle réellement banalisée dans le cinéma français et international ?
Mickaël Achard : Il y a en effet une forme de banalisation à partir du moment où l’homociné à un rôle. Au même titre que les autres minorités, on a très souvent un rôle secondaire homosexuel. Est-ce pour autant une réelle banalisation ?

10 Quels combats restent-il encore à mener pour une meilleure représentation de toutes les sexualités au cinéma, et dans l’art en général ?
Mickaël Achard : En dehors de la notion de sexualité, il y a encore un travail important à faire pour ce qui touche à l’identité de genre et les personnes transgenres.

11 Récemment, le succès de 120 Battements par minute a-t-il encore permis de franchir un pallier ?
Philippe Pérol : Oui, car ce film « historique », relate une période précise de l’histoire des mouvements militants homos ignorée du public, et il le fait avec une très grande justesse.

12 Qui bosse sur Désir… Désirs ?
Mickaël Achard : Je coordonne le festival. Et je suis appuyé par 4 autres bénévoles (peintre, universitaire, journaliste…).

13 Quelle est la mission du festival ?
Philippe Pérol : Briser les règles moralistes et les tabous… soyez vous-même.
Mickaël Achard : Éduquer par le biais du cinéma sur les questions de discriminations, de violence à l’égard des femmes, des minorités sexuelles et de genre. Donner de la visibilité aux minorités et à toutes ces questions pour que la société s’en empare.  

14 Comment élaborez-vous la programmation ?
Mickaël Achard : C’est comme une recette, il faut trouver les bons ingrédients : fiction, documentaire, films français, étrangers, 1er film, réalisateurs reconnus, thématiques transgenres, thématiques gays et lesbiennes, thématique sur place des femmes dans la société, avant-première.. La plupart des films sélectionnés sont des coups de cœur des membres de l’équipe.

15 Quelques mots sur le thème 2018, Diktat ?
Mickaël Achard : Nous allons à la redécouverte de notre monde, si libre en apparence mais qui nous enferme pourtant pleinement dans des diktats de diverses formes (sociaux, sexuels, moraux, identitaires, culturels…). Nous partons à la découverte de vies contraintes par des codes sociaux si forts que les espaces de liberté n’en portent que le nom. Nous interrogeons l’activisme LGBT et nous nous interrogeons sur les nouveaux formats qui envahissent nos écrans (teaser, web-séries…)…

16 La définition du programme de 2018 ?
Mickaël Achard : Le contraire de dikat : la liberté. Une programmation ample, originale, qui aborde un ensemble de questionnements dans la plupart des disciplines artistiques et sur différents territoires.

17 Un(e) artiste ou participant(e) que vous êtres particulièrement fiers d’accueillir à Tours ?
Mickaël Achard : La chanteuse, comédienne et humoriste Océanerosemarie.

18 Une proposition sacrément audacieuse dans la programmation ?
Mickaël Achard : Il y a Start Up My ass à l’Ecole des Beaux-arts avec ses performances et un espace d’expo interdit aux mineurs. Côté Cinéma Man on high heels de Jin Jang est un polar complètement barré où le superflic violent qui inspire respect et admiration souhaite devenir une femme.

https://www.youtube.com/watch?v=Plmw

19 Les enfants auront un film dédié pendant le festival, un message à leur faire passer ?
Mickaël Achard : La thématique de la différence concerne tout le monde et s’apprend à n’importe quel âge.

20 Pourquoi faut-il voir Call be my your name, le film d’ouverture ?
Mickaël Achard : Il s’agit d’un long métrage qui aborde une thématique universelle, la 1ère rencontre amoureuse. Par ailleurs, la passion de leur romance est aussi étrange (car dans les années 80), décomplexée que sensible. On est dans un univers sublimé, où le temps s’est arrêté. 

21 Autre film en avant-première, L’Amour des hommes
Mickaël Achard : Le nouveau film de Mehdi Ben Attia décortique les diktats qui s’imposent aux femmes dans la société tunisienne. Le réalisateur bouscule les conservatismes qui persistent au sud de la Méditerranée, et auxquels la nouvelle génération se confronte sans craindre le scandale dans une ambiance intimiste, pleine de torpeur et de sensualité.

22 On va aussi parler de féminisme pendant cette semaine…
Mickaël Achard : A travers le documentaire Les vies de Thérèse. Thérèse Clerc, grande figure du féminisme et de la lutte pour les droits LGBT, décide de montrer la vieillesse, la maladie et la mort. Dans un geste militant, elle a demandé à Sébastien Lifshitz de filmer son quotidien de vieille femme malade, qui évoque ses souvenirs, ses révoltes, ses combats, mais aussi sa dépendance, sa fatigue.

23 Désir… Désirs, il parait que c’est aussi l’occasion de faire la fête ?
Mickaël Achard : Oui, on pourra danser lors de la soirée le Ball et son initiation au Voguing le vendredi 23 février au Volapuk.

24 Comment vous imaginez le festival dans 25 ans ?
Mickaël Achard : J’espère qu’il travaillera avec d’autres publics et sur un territoire encore plus large, tout en tissant des liens étroits avec le monde universitaire et la recherche. Que le festival soit l’occasion de travailler (sociologie, psychologie, d’anthropologie, art…), de réfléchir, sur toutes ces notions que nous portons. Qu’un colloque et des publications puissent voir le jour…
Philippe Pérol : Je l’imagine beaucoup plus multi culturel, avec des films venant du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, de tous les pays où les discriminations liées à l’orientation sexuelle sont encore inscrites dans les lois. Je l’imagine aussi avec un public très métissé, très coloré, très excentrique, où chacun aurait choisi son genre.

25 Enfin, c’est quoi pour vous le Désir ?
Mickaël Achard : Pour moi il s’agit de l’expression d’un manque. Un objet, une idée… mis à distance et que nous ne pouvons pas obtenir, ou que nous n’avons pas encore obtenu. Un sentiment très particulier car nous sommes entre la souffrance et le plaisir.
Philippe Pérol : Joker, j’ai mis tant de temps à m’assumer. Il m’a fallu faire ce festival aussi pour ça, le clamer sur la place publique : « je ne suis pas dans votre norme, et je veux vivre quand même et connaître l’amour qui est le mien ». Pour faire plus court, le désir, c’est vivre, et non survivre.

La prog’ et les infos sur Désir… Désirs sur le site du festival

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