Philippe Lucchese met les femmes au premier plan

Le Tourangeau revisite les tableaux les plus célèbres avec son appareil photo et des modèles exclusivement féminins. Il exposera à l’Hôtel Gouin de Tours dès le 14 avril.

La Joconde a un tatouage. Le Radeau de la Méduse n’embarque plus que des femmes. Et l’ensemble garde ce côté historique, cette ambiance qui fait que l’on a l’impression de regarder un tableau réalisé il y a des dizaines d’années alors qu’il s’agit d’une image d’aujourd’hui et, en plus, d’une photo. Voilà en quelques mots comment on peut résumer le talentueux travail de Philippe Lucchese : original, historique et tellement moderne.

Le photographe tourangeau, qui travaille pour la ville de St Avertin, est devenu au fil du temps un passionné d’art et d’image. « Quand j’étais enfant, on n’allait pas forcément dans les musées mais on s’intéressait à la culture des lieux que l’on visitait avec mes parents » se souvient celui qui passait tout son temps à la MJC de Joué-lès-Tours (à la place de laquelle se trouve désormais Le Temps Machine) : « j’y ai fait tous les ateliers possibles : dessin, peinture, marionnette, poterie… Je faisais aussi des activités manuelles avec ma grand-mère qui aimait peindre. » De la curiosité naturelle, donc, mais pas forcément de fibre artistique propre.

Plus tard, une fois embauché comme animateur dans un collège à l’aube de l’an 2000, Philippe Lucchese découvre le monde de la vidéo lors d’un atelier cinéma organisé pour une classe de 3ème : « on faisait venir un scénariste qui n’a pas vraiment fait d’ateliers pratiques avec les élèves. Alors, l’année suivante, j’ai fait acheter à l’établissement le caméscope le moins cher possible et on a fait plein de films. » La première étape d’un long processus qui va le mener jusqu’à l’Elysée où un groupe de jeunes qu’il coachait s’est vu remettre un prix par Jacques Chirac pour un clip sur la sécurité routière.

« Je me suis rendu compte que la vidéo ça me plaisait, et j’ai commencé à faire mes propres films, notamment autour de la moto. Je les ai envoyés dans des festivals, et j’ai reçu des prix. Ensuite, comme c’était l’époque de Wallace et Gromit j’ai voulu faire de l’animation et j’ai d’abord construit ça avec de la pâte à modeler. » Philippe Lucchese expérimente, s’amuse, suit son instinct et ses pulsions. Sans prétention, mais avec de l’ambition : « je cherche toujours le moyen d’aller plus loin. » Il commence ainsi à s’entourer sur ses tournages, à professionnaliser ses créations : « j’apprends à déléguer, sauf le montage, je n’ai jamais réussi. » C’est aussi à cette période-là qu’il achète son premier appareil photo Reflex pour s’exercer à la prise d’images fixes « dans l’intimité. » Puis il donne un coup de main aux copains artistes pour réaliser leurs affiches, les pochettes d’albums ou les reportages lors de représentations.

Passionné par le spectacle de rue, Philippe Lucchese s’épanouit dans ces projets-là mais – en parallèle – il commence à tisser le fil conducteur de son travail de création : la Femme, « ma grande passion. » Ca commence à la maison « avec des photos de nu artistique, du Noir & Blanc… » Et puis il se trouve une première obsession : les photos sépia du XIXème siècle qui représentaient des femmes « et que l’on donnait ou vendait sous le manteau. »

Au même moment, fin 2013, le photographe tourangeau visite l’Etoile Bleue (ancienne maison close de Tours), et il a le déclic : « c’est devenu une évidence et j’ai voulu faire une résidence chez-eux. » La Jeune Chambre Economique de Tours qui occupe les locaux dit oui, ainsi qu’un petit groupe de modèles démarché via Facebook. Et l’aventure démarre. « Je ne voulais pas faire de copies de ces images mais m’en inspirer. » Cela donnera Parfums de Femmes, une première exposition présentée pour le festival Mauvais Genre de son ami Gary Constant en avril 2014, à l’Hôtel de Ville de Tours.

Dans son optique de gravir des marches, quitte à les monter deux par deux, Philippe Lucchese va encore une fois faire évoluer son travail : « en faisant mes recherches sur les photos sépia je tombais régulièrement sur des tableaux. » Amateur de déambulations dans les musées (Orsay, Le Louvre, la National Gallery à Londres…) il envisage alors une seconde série avec une ligne directrice simple : reproduire les scènes présentées dans de grands tableaux historiques en n’utilisant que des femmes comme modèles. « Je n’invente rien, je revisite simplement l’histoire de l’art. Je suis dans une démarche d’hommage » se justifie presque celui qui parle de lui comme d’un « bricoleur » et a du mal à se définir comme un artiste bien que ses créations demandent des semaines de préparation et des heures entières de prises de vue, en particulier quand il s’agit de travailler sur de grandes fresques destinées à être exposées sur des tirages de 4m sur 3.

Dans quelques jours, du 14 avril au 14 mai (chaque après-midi du jeudi au dimanche) les 31 œuvres qu’il a réactualisées (et qui ont pour certaines été travaillées dans des lieux prestigieux comme le Clos Lucé d’Amboise) seront présentées sur les trois étages de l’Hôtel Gouin de Tours. L’idée est de pouvoir reconnaître les tableaux (ou les sculptures) d’un coup d’œil, « mais j’y ai ajouté des éléments contemporains, comme les tatouages, les piercings ou les dreadlocks. Je n’ai pas cherché à les cacher, c’était même parfois volontaire de les mettre en valeur : le modèle qui représente la Joconde a un tatouage juste au dessus des seins. Comme Mona Lisa a un décolleté, je savais qu’on le verrait. » L’Origine du Monde sera quant à lui présenté avec un dispositif particulier de mise en scène « pour rendre le visiteur volontairement voyeur. »

S’il se permet ce virage pour bien montrer que ses images datent du XXIème siècle, Philippe Lucchese tient à ce que les modèles aient exactement la même pose que pour l’œuvre originale, « ce qui est par exemple très compliqué pour la Marianne de Delacroix qui est représentée dans le mouvement. » Pas du tout passionné par la technique (il dit ne jamais lire les notices), le photographe s’est par ailleurs entouré d’une équipe de proches et fidèles pour l’épauler : « Mohamed est un des meilleurs éclairagistes de Tours, Zoé l’une des meilleures costumières, Marie-Pierre est prof de photo au lycée Grandmont… Je travaille avec des gens qui créent. » Leur réflexion à tous : analyser le tableau avec l’œil d’un photographe : « s’il avait eu un appareil photo, il se serait mis où ? » s’interroge donc chaque fois Philippe Lucchese quitte à se percher sur un escabeau pour réaliser sa version du Radeau de la méduse. S’il assume un peu de postproduction après coup, il ne garde à chaque fois qu’une seule photo à l’issue de ses séances.

Un détail peut alerter quand on observe la série : les modèles sont souvent nus, « mais c’est parce que les sujets le sont aussi sur l’œuvre originelle. Par exemple Le Penseur ou Le Baiser de Rodin, ils sont nus, je n’ai pas le choix » précise bien Philippe Lucchese qui assume un parti pris « clairement féminin et contemporain. Ce que je veux, c’est donner aux femmes toute leur place dans le monde, un monde où elles sont sublimées dans tous les rôles. » D’ailleurs, la série est loin d’être terminée : « je ferais de nouvelles photos pour chaque nouveau lieu d’exposition. J’espère notamment pouvoir proposer mon travail à l’étranger. » Quelques contacts commencent d’ailleurs à se nouer suite au lancement (et à la réussite) de sa campagne de financement participatif initiée pour financer la création de son exposition. Près de 150 contributeurs s’y sont associés.

Olivier COLLET / Photo : Claire VINSON

Le site de Philippe Lucchese est ici pour plus d’infos.

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