Un artiste tourangeau a créé et exposé à Porto

Nikolas Chasser Skilbeck a réalisé plusieurs vidéos dans la ville portugaise.

Vous vous souvenez des drapeaux qui décoraient le Pont Wilson de Tours à l’été 2015 ? Ce n’étaient peut-être pas les plus beaux de la décennie, mais ce qu’il faut retenir c’est qu’ils avaient été imaginés par un artiste portugais, de Porto. Il avait été invité par la municipalité tourangelle pour créer un projet artistique dans le cadre d’une coopération entre les deux communes.

Reliées par avion en 2h, Tours et Porto ne sont pas des villes jumelles. Elles réalisent cependant des échanges et nourrissent une certaine amitié. Ainsi, un artiste tourangeau – Nikolas Chasser Skilbeck – a lui aussi eu l’occasion de travailler à Porto puis d’y exposer. Le résultat, c’est Dreaming of Porto une série de 11 vidéos très travaillées dans lesquelles on découvre plusieurs lieux emblématiques de Porto comme ses ponts, ses parcs ou l’océan.

De nationalité américaine mais en France depuis son enfance, Nikolas Chasser Skilbeck est un « video artist » (c’est ainsi qu’il se définit, préférant ce terme à celui de vidéaste plasticien). il a fait l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Bourges entre 2006 et 2010 et a toujours travaillé dans l’univers vidéo, pour son rapport au temps.

A Tours depuis 2011, il y a réalisé une première résidence avec tourangelle Mode d’Emploi et s’est pris d’affection pour la Loire, devenue le centre de nombreuses performances vidéo. Il a travaillé 6 mois en résidence au Laboratoire Chemineau à Vouvray en 2012, et a exposé ensuite son travail (une vidéo de 18 minutes, Cheminement(s) au musée des Beaux-Arts de Tours). Sur son CV, on notera aussi des points très important : il a participé à la célèbre Fête des Lumières de Lyon et à la Nuit Blanche de Paris. Il a aussi passé 6 mois en résidence au musée MACVAL de Vitry-sur-Seine, près de Paris et travaille depuis plusieurs mois – et jusqu’en 2018 – sur un projet autour de l’aurotoute A10.

Pour Porto, « ma résidence a duré deux mois, organisée par l’association Mode d’Emploi et l’association SKREI de Porto, et avec le soutien des mairies de Tours et Porto » nous explique aujourd’hui l’artiste, qui n’avait jamais posé le pied là-bas auparavant et qui a eu à sa disposition un atelier pour monter son projet. « J’avais regardé des images sur internet avant pour voir les différents types de paysages auxquels j’allais être confronté mais je ne voulais pas non plus trop influencer mes premières impressions et mon premier point de vue de cette ville » poursuit-il racontant ensuite la façon dont il a construit sa série : « mon atelier donnait sur le fleuve Douro ce qui a été un véritable point de départ pour les créations. »

« J’ai utilisé les paysages variés de Porto pour créer des images très différentes les unes des autres. Les vidéos présentent un monde pictural qui, à certains moments peut paraître irréel, qui est transformé comme si nous étions dans un rêve. » Et en effet, avec parfois une ambiance musicale un peu sombre, des images aux couleurs évolutives et un ensemble qui pousse à les contempler pendant de longues minutes, ces séquences (de 3, parfois 5 minutes) invitent à s’interroger, inquiètent, fascinent ou interrogent. Pour bien comprendre, voici l’une de ces vidéos mise en ligne par l’artiste : Passages, certainement la plus réussie à nos yeux, montrant les ponts de Porto, qui symbolisent la cité…

Passages from Nikolas Chasser Skilbeck on Vimeo.

Nikolas Chasser Skilbeck n’a pas monté ce projet seul. Il s’est accompagné de deux amis : le danseur et chorégraphe Farid Rahmouni pour 3 des vidéos et Arthur Zerktouni qui a réalisé la bande sonore de deux des vidéos. Au final, l’humain n’est que rarement au centre du travail de l’artiste. Au premier plan c’est toujours le paysage, mais l’Homme – par ses mouvements, son attitude – apporte une certaine légèreté et un côté poétique à l’ensemble.

« J’ai travaillé essentiellement avec un effet vidéo qui se nomme la soustraction, je soustrais une image à elle-même, du moins un temps de l’image à une autre (souvent je mets une image dans son déroulement “normal” et je soustrais la même image à rebours). Dans la vidéo Passages, on voit ainsi que certaines personnes marchent dans le bon sens et d’autres à reculons. La soustraction d’une image à elle même à un autre effet : les zones claires de l’image deviennent sombre et les zones sombres deviennent claires. Donc les zones au soleil deviennent obscures et l’ombre des nuages amène de la lumière. Travailler avec cet effet me fait dépendre énormément des conditions météorologiques, puisqu’il me faut une journée où il y’a de la lumière, des nuages et du vent » raconte encore l’artiste qui a passé pas moins de deux semaines à repérer les lieux sans caméra (et à faire facilement 15km par jour, caméra et trépied en main !) avant de commencer à filmer.

Nikolas Chasser Skilbeck détaille ensuite son mode de création : « une fois mes plans trouvés, il a fallu que je revienne sur les lieux les jours où les conditions météorologiques répondaient à mes attentes pour filmer à nouveau (parfois il a fallu courir pour ne pas rater le passage d’un nuage). Au final j’ai filmé énormément d’images, je me suis alors lancé dans un travail de sélection pour déterminer quelles images me paraissez les plus pertinentes quant à mon travail qui cherche à révéler un monde fluctuant. Je dépend aussi de l’aléatoire des événements… Parfois un oiseau passe exactement au bon endroit et joue avec ma composition. » Et ce qui est étonnant c’est qu’en observant ces séquences de quelques minutes, on a l’impression qu’il s’y passe presque autant de choses que lors d’une journée entière.

L’exposition Dreaming of Porto vient de s’achever au Portugal mais la vidéo Poseidon’s Dream sera diffusée au festival Oodaaq en mai à St Malo (pour la deuxième fois après la présentation d’une autre oeuvre en 2016, sur un écran géant) et peut-être que l’ensemble de la collection sera bientôt à découvrir à Tours ? D’autres collaborations autour de la gastronomie et des fleuves sont par ailleurs à l’étude entre les deux municipalités.

Olivier COLLET

Egalement conférencier, Nikolas Chasser Skilbeck participe à la journée d’étude “Innover: Créer ailleurs, autrement, collectivement : Art et entreprise: quelles rencontres, quelles hybridations ?” à l’université François Rabelais à Tours. Ce sera le 7 avril.

Et si vous allez à Porto d’ici peu et que vous aimez l’art contemporain, notez qu’un Français expose actuellement à la Fondation Serralves (sorte de CCCOD de la ville). Un parcours étonnant avec des ballons gonflés à l’helium et plaqués au plafond, des lumières vives, de la peinture phosphorescente, des ambiances sonores fantomatiques et… des sapins de Noël !

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