PRESIDENTIELLE : Une campagne « intéressante et amusante » pour le FN à Tours

Entretien avec le conseiller régional tourangeau Gilles Godefroy, également élu au conseil municipal.

A un mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen est en tête dans les sondages. La candidate du Front National est annoncée en meeting régional à Châteauroux ce samedi 11 mars. En Indre-et-Loire, son parti revendique un millier d’adhérents « mais de nombreux sympathisants ne sont pas encartés car ils ont peur des conséquences » affirme l’élu tourangeau Gilles Godefroy. Combien sont-ils ? Bien difficile à déterminer…

D’ailleurs, hormis les marchés, le parti frontiste cultive l’art de la discrétion : « on fait des réunions d’appartements, entre quelques personnes. » Ils laissent l’attraction se faire d’elle-même vers leur candidate, sans forcément aller chercher à expliquer en profondeur son programme (par exemple sur la façon de faire des économies, la question de l’immigration est notamment évoquée, mais on ne comprend toujours pas comment le parti veut s’y prendre vraiment).  

Ainsi, quand on l’interroge, Gilles Godefroy manque souvent de détails pratiques et pragmatiques quand on cherche exactement à savoir jusqu’où veut aller Marine Le Pen : « notre plan, il est préparé depuis dix ans, ce n’est pas une lubie, comme ça » nous dit seulement l’élu encarte depuis dix ans. Quelques pistes tout de même : 40 000 places de prison créées, pas de suppressions de postes dans l’éducation ou les hôpitaux. Des propositions à marteler sur le terrain pour convaincre… ou rassurer l’électeur frileux.

Pour ce faire, Gilles Godefroy utilise la technique de l’exemple. Ou du contre-exemple extrême pour faire paraître ses positions plus souples. Ainsi, le Front National prône l’interdiction de la double-nationalité extra-européenne : « vous devez choisir où vous êtes. Ma femme qui est japonaise n’a jamais pris la nationalité française. » Mais alors pourquoi pourrait-on quand même conserver plusieurs nationalités européennes ? « Parce que nous sommes dans un moule culturel où il est plus facile de s’adapter. » Cela dit, dans le même temps, pas question de trop se fondre dans ce moule : « s’il y a un référendum pour sortir de l’UE je vote pour. Je suis attaché à la souveraineté de notre pays, qu’on puisse avoir le droit de faire nos propres lois. Une Europe à 6 ou à 12 ça voulait encore dire quelque chose mais là il y a un délit de puissance et de conquête vers l’Est qui nous rappelle certaines choses… » lâche-t-il.
 
Sur la monnaie unique, Gilles Godefroy est persuadé que « très malade, l’Euro va s’effondrer de lui-même. » « Et si la France en sort, tout le monde n’y restera pas » prétend-il quand on lui demande s’il ne craint pas de voir l’économie nationale affaiblie : « avoir la maîtrise de sa monnaie, c’est la notion même de la souveraineté. » D’ailleurs, même si le Royaume-Uni est économiquement hésitant depuis le Brexit, le frontiste tourangeau joue la carte de l’optimisme : « chaque fois qu’on nous promet des catastrophes, on se retrouve avec des pluies de grenouilles. »

A écouter Gilles Godefroy, avec le FN au pouvoir, les diplomates vont avoir un paquet de choses à négocier (et le temps de la diplomatie n’est pas celui des discours politiques…). Par exemple, Marine Le Pen veut contrôler les frontières et les importations avec son concept de « protectionisme intelligent » : « tout se négocie au bord d’une frontière. On ne veut pas fermer mais contrôler, on ne va pas vivre en autharcie comme la Corée-du-Nord. Ca ne se fera pas d’un coup, ça dépendra des accords. Il faudra qu’on voit quels produits répondent à nos critères de qualité. Par exemple le soja bourré d’OGM on dit non » explicite Gilles Godefroy.

Le FN, ferme face aux lobbys ? Pas si vite : « on n’est pas obligé d’obéir à 100% à Monsanto. » Ah, alors jusqu’à quel niveau on obéit ? « Il y a des variables d’ajustement, il faut poser son territoire. Regardez ce qua fait Trump avec les compagnies automobiles. Il a menacé de les taxer, elles sont revenues. » Tiens, Trump ! Tant qu’on y est, abordons le sujet du président américain excentrique voire menteur. Gilles Godefroy ne voit pas grand chose à y redire : « il apporte une bouffée d’air. Le reste ce n’est pas à moi de juger, pas mon problème. Ses dérapages sont contrôles, j’ai confiance. »

Et les dérapages de Marine Le Pen aussi ils sont contrôlés ? Le Front National est « le parti le plus poursuivi de France » comme Le Canard Enchaîné l’a démontré il y a quelques jours, on évoque même la possible perte de l’immunité de la députée européenne Le Pen, mais étrangement « tout cela glisse sur nous. Nos militants n’en parlent jamais. Ca fait 4 ans que ça dure et ils n’ont jamais rien trouvé. On arrive à des élections, alors ils cherchent. Tout est bon pour se débarrasser de Marine Le Pen. » Le garde du corps embauché comme assitant parlementaire ? Gilles Godefroy : « je le connais personnellement, il est toujours derrière elle. Et puis dans cette affaire il n’y a pas eu d’enrichissement personnel. » L’argument ultime, mais finalement faible : « je sais qu’ils bossent, je les connais. »

Par contre, sur François Fillon, c’est le défouloir : « cette affaire Penelope c’est l’expression même de vouloir serrer la ceinture aux Français alors que de son côté il y a eu bénéfice personnel. » Et la situation abracadabrantesque du candidat Les Républicains c’est un cadeau du ciel : « une telle campagne, on n’a jamais vu ça avant. Tout est dans les sables mouvants, on ne sait pas ce qu’il va se passer. C’est un grand spectacle. Intéressant… parfois amusant. » Amusant, pour parler d’une campagne pour la plus haute fonction de l’Etat… oui : « des fois c’est amusant tous ces changements au dernier moment, tous ces ralliements, la droite décomposée, ça c’est intéressant. On ne sait pas trop qui ira au bout du premier tour. »

Par contre, pour lui-même, le FN est hyper confiant, et se force même à douter : « la seule chose dont est sûr c’est que Marine Le Pen sera au deuxième tour, tout le monde veut être en face d’elle » nous dit Gilles Godefroy avant de se reprendre peu après : « jamais personne n’est sûr à 100% mais tout laisse à penser qu’elle a un socle très fiable. 80% de ses électeurs sont sûrs de leur choix et le FN progresse régulièrement aux élections depuis 10 ans. » Il évoque par ailleurs la question des 500 signatures, qui serait encore un probème malgré cette implantation grandissante : « les gens rigolent quand on en parle mais ici en Touraine beaucoup de maires ont peur des représailles dans les petites communes. »

Etonemment aussi, selon le conseiller régional tourangeau, le principal adversaire de sa candidate serait… l’abstention, annoncée forte, mais qui d’ordinaire lui est plutôt favorable : « d’un point de vue démocratique c’est très inquiétant. On voit bien que nombre de gens sont écoeurés de la politique. Tout le monde est déstabilisé par ce qu’il se passe. » Tout le monde, sauf les instances du Front en fait. Ils redoutent juste ce fameux « plafond de verre » qui jusqu’ici les empêche encore d’avoir des mandats qui comptent vraiment. Peut-il sauter dans les mois qui viennent ? Ce n’est pas exclu. Mais dans tous les cas, il y a peu de chances que l’extrême droite ressorte affaiblie de cette année électorale, en laissant les autres se désintégrer avant de grapiller sur leur territoire.

Olivier COLLET

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