Résidence Liberté à Tours Nord : EDF contre-attaque

Son conflit avec le propriétaire de l’ex-hôtel dure depuis 12 ans. Il a 120 000€ de factures impayées.

Depuis le 29 juillet, l’électricité est coupée dans la résidence Liberté de l’Avenue Maginot à Tours Nord, un ancien hôtel qui héberge une centaine de personnes dans 54 studettes louées par un propriétaire bien connu à Tours, Amir Hosseim. Cet homme est en conflit depuis plus de dix ans avec EDF pour des questions financières et en litige depuis 4 ans avec Enedis (ex-ERDF) pour une affaire liée aux normes de sécurité du réseau électrique. Des dossiers complexes et techniques portés à la connaissance de la justice et dont les pouvoirs publics se sont aussi emparés afin de gérer le relogement des habitants, en situation modeste voire en situation irrégulière.

La semaine dernière sur Info-Tours.fr, le propriétaire des lieux exprimait son agacement face à des relogements qui, selon lui, prenaient trop de temps : « Que font toutes ces personnes en attendant, sans électricité, à une semaine de la rentrée scolaire ? Il y a plusieurs dizaines d’enfants et il n’y a même pas de quoi chauffer les biberons des bébés. Ils ne sont pas dans une volonté de trouver une solution rapide. Ce n’est pas normal de mettre un mois et demi à reloger des gens  Nous, tout ce qu’on veut maintenant, c’est reloger tout le monde et fermer la résidence car sans eau chaude cela va devenir insalubre. » Et le gérant de rejeter la faute sur EDF coupable d’après lui de lui demander des sommes astronomiques et injustifiées.

Agacé par ces prises de position répétées depuis l’éclatement de l’affaire sur la place publique au cœur de l’été et son retentissement médiatique important (vu l’urgence indéniable de la situation humanitaire), EDF a choisi de sortir du silence et d’exposer sa version des faits par la voix du directeur délégué commerce Grand Centre Gérard Terganoli et de Béatrice Pandelis, directrice gestion et finances à Tours, au siège des Deux-Lions (photo).

Pour bien comprendre l’affaire, il faut prendre le temps et remonter dans le temps, jusqu’au début des années 2 000. En 2004, le gérant de la Résidence Liberté bénéficie d’un tarif pro avec un compteur au tarif « jaune » destiné aux entreprises : « il a toujours contesté les factures, il disait que le compteur n’était pas adapté à son activité » explique EDF. En 2012, trois nouveaux compteurs ont été installés dans le bâtiment, cette fois avec un tarif dit « bleu », toujours pour les pros. A cette période-là, le propriétaire accumule déjà 60 000€ d’impayés selon l’opérateur qui l’a assigné au tribunal. Un premier procès lui a donné tort mais un appel est prévu… en janvier 2018. En attendant, le bâtiment a été hypothéqué par la justice.

Ce n’est pas tout. L’installation des trois compteurs, elle était conditionnée à l’obtention d’un certificat de conformité du réseau électrique de l’immeuble. Un document jamais fourni. C’est donc Enedis, le distributeur d’électricité, qui a fini par craquer et par couper le courant le 29 juillet : « nous avions prévenu depuis longtemps Mr Hosseim que s’il ne produisait pas ce papier nous procéderions à une coupure » nous dit Eric Laurent, directeur du distributeur pour l’Indre-et-Loire, affirmant avoir multiplié les relances par courrier et avoir encore rencontré le patron au mois de mars. S’il reconnait « une maladresse » en 2012, avec une mise en service de l’électricité effectuée avant la présentation du document, il justifie aujourd’hui sa décision au nom de la sécurité : « cette situation a trop perduré, nous risquions d’être mis en cause en cas d’accident, nous avons donc pris nos responsabilités pour garantir la sécurité des personnes. »

Si EDF tient bien à préciser que la coupure n’est pas de son fait, Gérard Terganoli ajoute : « si jamais Enedis décidait de rétablir le courant, nous le couperions de nouveau à cause des factures impayées. » Le propriétaire a donc réussi à se mettre à dos toute la chaîne de distribution de l’électricité, « malgré nos multiples relances. Il y a notamment eu deux courriers qui lui ont été remis en main propre par un huissier et qui l’informaient du risque de coupure. Il ne peut pas dire qu’il ne savait pas. »

Car en plus des 60 000€ d’impayés accumulés de 2004 à 2012, EDF comptabilise 60 000€ supplémentaires de dettes : « le propriétaire ne payait pas ses factures tous les mois. Il refusait les virements. Et depuis le mois d’octobre il ne paie plus du tout. » D’où le nouveau procès prévu le 6 septembre à Tours. Mais alors qu’Amir Hosseim affirme que ses factures d’électricité atteignent 70 000€ pour la seule année 2016, soit 10 000€ par mois, EDF réplique en évoquant des factures « de 4 000€ par mois en moyenne » (pour une centaine de résidents). « Ce ne sont pas des chiffres aberrants, d’autant plus si le bâtiment est mal isolé et entretenu » souligne Gérard Terganoli en rappelant que le certificat de conformité électrique fait défaut, signe selon lui qu’il y a un risque que les normes ne soient pas respectées. Enedis aurait même soupçonné une fraude au niveau des compteurs donnant lieu à un dépôt de plainte.

« Qu’est-ce qu’il ferait ce propriétaire si les familles ne payaient pas leur loyer ? » s’interroge, pour conclure, le directeur délégué d’EDF pour justifier son haussement de ton. Il dit également comprendre la détresse des familles : « ça a été notre premier souci. Comme on savait que l’on allait couper, dès le mois d’avril, nous avons pris contact avec les services du Conseil Départemental avec qui nous avons eu des réunions pour envisager des relogements. » Sauf que ce n’est vraiment qu’à partir de la fin juillet que l’institution s’est activée en duo avec la préfecture.

Dans un nouveau point de situation publié vendredi, les représentants de l’Etat et du département listent avec plus de détails que les semaines précédentes l’état d’avancée des démarches. Le 19 août, un communiqué faisait état de « 44 personnes déjà relogées ou en attente d’un relogement » ce qui avait fait dire au gérant sur notre site que les déménagements effectifs tardaient (il est pourtant informé directement à chaque dénouement de situation, nous dit-on). Voici maintenant ce qui est affirmé par l’administration (qui relève d’ailleurs, elle aussi, des manquements à la sécurité entre les murs…) :

  • 85 personnes ont été recensées comme officiellement logées à la résidence (le propriétaire en listait 115…). 68 ont un bail avec la société qui exploite la résidence, 17 sont logées par l’association Chrétiens Migrants.
  • Pour 40 personnes, « l’entrée dans un nouveau logement est soit déjà effective soit programmée dans les prochains jours dans un logement déjà identifié avec l’accord tant du futur bailleur que du futur locataire. »
  • 12 personnes risquent encore de passer plusieurs semaines sur place même si le 115 et l’association Entr’aide Ouvrière vont traiter leurs dossiers en priorité afin de leur trouver un hébergement. « Au total, 52 personnes ont donc déjà un nouveau logement ou une orientation d’hébergement clairement identifiée. »
  • 6 personnes déjà titulaires d’un autre bail ailleurs ne seront pas bénéficiaire d’un relogement. 5 ont refusé une proposition de logement. 3 étaient injoignables.
  • Concernant les personnes logées par Chrétiens Migrants, des étrangers en situation irrégulière, la situation de deux familles va être examinée mais pour les autres (notamment 4 hommes se prétendant mineurs mais que l’administration ne reconnait pas comme tel affirmant que leurs papiers sont faux), les autorités estiment ne pas leur devoir de relogement et demandent à l’association d’organiser leur départ de la Résidence Liberté au plus vite.

Olivier COLLET

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