Ils ont pixelisé St Martin pour le Pont Wilson de Tours

Rencontre avec ElefantCat, le duo qui signe le pavoisement 2016.

Ça y est, ils flottent au vent. En ce début de semaine, les agents de la ville de Tours ont installé les 32 drapeaux tout colorés qui vont passer l’été sur le Pont Wilson, et ça émeut Charles Hilbey et Lucas Pradalier (alias Jean Roukas) de voir leur travail ainsi exposé dans l’une des plus belles galeries d’art à ciel ouvert de la région. Après avoir invité un artiste portugais en 2015 dans le cadre d’un échange avec la ville de Porto, c’est en effet un duo que la mairie a choisi pour son exposition estivale. Qui plus est un duo d’artistes locaux et jeunes : 29 et 30 ans.

Dans leur labo en bois installé au fond d’un hangar des Ateliers de la Morinerie de St-Pierre-des-Corps, les deux amis qui se sont rencontrés au lycée à Beaugency dans le Loiret nous racontent l’histoire qui les a menés jusqu’à ce défi : après le lycée, Charles a fait l’école supérieure d’art et de design d’Orléans et Lucas est entré aux Beaux-Arts de Tours mais leurs chemins ne se sont jamais vraiment séparés puisqu’ils ont notamment conçu une exposition en commun à Beaugency à cette période, en compagnie d’autres étudiants : « on menait également des projets en workshop, de manière intensive. »

A la sortie de l’école, Charles travaille en tant que graphiste et mène en parallèle une activité de vidéaste et de graphiste au sein du groupe Perox ou avec des troupes de théâtre. Quant à Lucas, il se souvient : « en sortant des Beaux-Arts, j’ai eu un petit coup de mou comme beaucoup d’autres. C’était le début d’une vraie vie, sans atelier, sans endroit où bosser… »

Une période où ces artistes se cherchent, et commencent à envisager de baser leur travail sur le monde des jeux vidéo, « une piste intéressante car peu exploitée. » Mais cela n’a pas été si simple : « Pendant six mois on s’est demandé comment faire de l’art avec le jeu vidéo. A force on a fini par avoir le déclic. » Résultat : le duo devenu ElefantCat joue depuis 5 ans sur les codes des gamers mais sans créer réellement de jeu vidéo à proprement parler : « c’est ce que l’on a appelé le Non-Jeu pour questionner le joueur/spectateur sur son expérience : qu’est-ce qu’un jeu vidéo ? Suis-je en train de jouer un jeu vidéo ? L’œuvre fait-elle sens sans ma présence ? »

Exposées devant la porte de leur atelier, on trouve notamment quelques-unes de leurs créations : des bornes d’arcades bricolées en bois. « Nous utilisons des logiciels de création de jeux vidéo pour créer ces expériences interactives » poursuivent ces deux artistes qui questionnent le positionnement du jeu-vidéo dans l’art contemporain, média avec lequel ils ont grandi et qui a évolué avec eux. « Le jeu vidéo, c’est forcément générationnel et sociétal. Il a une place importante, en tant que divertissement mais aussi comme outil éducatif. On a l’âge du jeu vidéo, c’est ancré en nous, au-delà d’un hobby ou d’une passion. Le jeu vidéo n’est pas encore considéré comme art mais peut-être est-il en passe de le devenir ? » ElefantCat viendra d’ailleurs mener une intervention auprès des étudiants l’an prochain aux Beaux-Arts de Tours.

Pour en revenir au pavoisement du Pont Wilson, l’idée de candidater leur est venue de la part de Mode d’Emploi qui les avait par ailleurs accueilli en 2012 en résidence afin de mettre au point leurs premiers travaux. Fin 2015, Charles et Lucas proposent donc un prototype répondant au cahier des charges de la ville, à savoir : s’inspirer de St Martin vu que Tours célèbre le 1 700ème anniversaire de sa naissance. Et la vision que ces deux artistes ont de l’homme devenu célèbre pour avoir partagé son manteau est résolument moderne : « sa vie, son parcours et son histoire héroïque auraient pu être adaptés en jeu vidéo. Les saints ont toujours eu des histoires extraordinaires qui en font des mythes. Quelque part, certains personnages de jeux-vidéo, dans leurs contextes, pourraient prétendre au sacre. »

Partant de ce constat, ElefantCat a donc conçu 32 drapeaux figuratifs ou abstraits, dont certains inspirés du saint patron de Tours : le logo de l’année martinienne et un personnage sur son cheval par exemple : « certains drapeaux ont un lien avec la vie de Martin, des symboles représentant le partage, d’autres apparaissent plutôt comme des motifs. » Des drapeaux conçus uniquement par ordinateur et en commun par les deux artistes qui ont choisi 7 couleurs bien vives « pour que ça claque ! » Un parti pris résolument pop et contemporain, particulièrement réussi à nos yeux, mais audacieux : « la mairie a fait preuve d’ouverture en choisissant ce projet baptisé Pixel Perfect » estime Lucas.

Depuis leurs écrans et leur atelier, les deux jeunes hommes poursuivent également plusieurs autres projets en parallèle : après avoir créé un premier jeu téléchargeable sur leur site (Faraway), ils sont en train de concevoir un « prototype de non-jeu vidéo » avec le soutien de la région Centre-Val de Loire et la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Ils sont aussi à l’affut de toute nouvelle technologie pour faire évoluer leur art au fil du temps. Ils se sont notamment intéressés dès le début aux casques de réalité virtuelle et exploitent également une caméra capable d’intégrer vos mains et leurs mouvements dans un jeu. Leur credo principal : l’interactivité, aussi bien via la dizaine de bornes qu’ils ont créées qu’avec leurs projections sur des bâtiments : « on ne se réduit pas à une technique, on a envie de participer à de nouvelles créations, d’être au fait de l’actualité numérique et artistique. »

Olivier COLLET

Le pavoisement est en place depuis ce mardi.

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